Le pont de Québec : Témoin de l’Histoire et chef-d’œuvre d’ingénierie (VIII) – La reconstruction et … une deuxième tragédie

Par | 31 juillet 2023 |

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La reconstruction

En 1908, le gouvernement du Canada décide de prendre à sa charge la reconstruction du pont de Québec puisque ce dernier constitue un lien essentiel au chemin de fer Transcontinental entre Moncton au Nouveau-Brunswick et Winnipeg au Manitoba dont la ligne est alors en construction.

Avant que les travaux ne débutent, il faut cependant débarrasser les rives du côté sud de l’amas de ferraille, qui git là depuis le 29 août 1907. C’est ainsi que l’acier tordu, visible à marée basse sera enlevé entièrement. Ce travail s’effectuera pendant plus de 2 ans puisqu’il ne sera terminé que le 31 août 19121.

À l’été 1912, la St. Lawrence Bridge commence la construction de ses propres installations sur la rive nord. Elles comprennent des bureaux, des cuisines, des salles à manger, des dortoirs, une infirmerie, un magasin, une buanderie, etc.

Les travaux pour la construction de la superstructure commencent en 1913. Ces travaux s’étaleront jusqu’en 1916.

La travée centrale, qui va permettre la réunion des deux bras cantilever, est construite dans l’anse de Sillery à 5,6 km en aval du site du pont de Québec. Le projet prévoit que la construction de la travée doit se faire à un endroit où le niveau de l’eau est le plus bas possible, de façon à ce que lors de la marée haute, on puisse la faire flotter et ensuite la conduire à destination. La construction de la travée centrale débute donc à cet endroit le 26 mai 1916. Les travaux pour la construction de la travée vont se terminer le 20 juillet de la même année.

On détermine la journée 11 septembre 1916 pour procéder au déplacement et à la pose de la travée centrale. Il va sans dire que les journaux de l’époque font une large place à cet événement spectaculaire. L’intérêt dans la population est important et les journaux diffusent de l’information jusque dans les moindres détails pour tout ce qui concerne cet événement tant attendu. Le pont de Québec sera la 8e merveille du monde, affirme sur trois colonnes le journal Le soleil du vendredi 8 septembre 19162.


Photos des deux bras cantilever en attente de la travée centrale. Source : BAnQ. Oeuvre qualifée comme Domaine Public au Canada. Notice P833,S3,D777.

Le 11 septembre 1916 au petit matin, les travaux pour l’installation de la travée débutent et tout se passe bien. Après une pause, à 10h30 les travaux pour hisser la travée reprennent. Celle-ci est hissée à nouveau d’un autre deux pieds et tout à coup on voit la charpente de la travée centrale se ployer, se tordre, puis on entend un craquement épouvantable. Le coin sud-ouest de la travée se déplace et ne se trouve plus suffisamment supporté par ses appuis et les appuis de l’angle sud-est cèdent à leur tour et toute cette masse de fer s’engouffre dans le fleuve sous près de 46 mètres d’eau. C’est encore la catastrophe3.


Photos du levage de la travée centrale vers les bras catilever. Source : BAnQ. Oeuvre qualifée comme Domaine Public au Canada. Notice P833,S3,D777.

Au final, treize personnes vont perdre la vie durant cette deuxième catastrophe et quatorze ouvriers s’en tirent avec des blessures plus ou moins graves.

Au moment de l’enquête pour déterminer la cause de l’accident, il a été mentionné qu’au moment de l’impact, les deux bras cantilever du pont avaient oscillé et vibré comme un coup de fouet. Le choc a été si violent qu’il a fait tourner une passerelle de béton suspendu du cantilever nord et, des sept personnes qui s’y trouvaient, trois furent projetés hors du garde de sécurité et furent tués. En tenant compte de cette constatation, une vérification en profondeur est faite sur les deux bras cantilevers afin de déterminer s’ils ont subi des dommages à la suite de la tension très forte à laquelle ils ont été soumis.

La structure est examiné avec beaucoup de précaution et des niveaux sont vérifiés sur toutes les pièces et aucune altération n’est constatée.

À la suite de cette deuxième épreuve, la population ne cherche pas à dissimuler sa déception et plusieurs personnes estiment que cette entreprise n’est que pure utopie. Certaines gens croient même que le gouvernement va abandonner le projet de construire cet important trait d’union entre l’ouest et l’est canadien, par le Transcontinental.

Afin de faire taire ces rumeurs et de rassurer le plus pessimiste, des officiers de la St-Lawrence Bridge Co. déclarent, dès le lendemain de la catastrophe, que les travaux vont reprendre avant longtemps pour la reconstruction de la travée centrale et que le parachèvement du pont de Québec ne sera retardé que d’un an environ.

Dès que les résultats des vérifications techniques sur les deux bras cantilever sont connus et qu’on a l’assurance que ces deux structures sont demeurées intactes après l’accident, il est décidé officiellement de remplacer la travée centrale perdue par une travée analogue. Le matériel nécessaire est immédiatement demandé afin de reproduire une réplique exacte de la première travée4.

À suivre…


1 : L’Hébreux, Michel (2001) Le Pont de Québec. Québec, Septentrion, pages 89-92.
2 : L’Hébreux, Michel (2001) Le Pont de Québec. Québec, Septentrion, pages 107-109.
3 : L’Hébreux, Michel (2001) Le Pont de Québec. Québec, Septentrion, page 116.
3 : L’Hébreux, Michel (2001) Le Pont de Québec. Québec, Septentrion, page 126.

Catégorie(s) : Histoire Urbaine,  Patrimoine,  Transports
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À propos de Pascal Petitclerc

Originaire du quartier Saint-Sauveur dans la basse-ville de Québec, Pascal a depuis longtemps été intéressé par l'urbanisme et l'aménagement du territoire. Il a créé Lévis Urbain en 2003, en s'inspirant de Québec Urbain, pour palier à certaines lacunes de l’époque en ce qui a trait à l’information véhiculé sur l’urbanisme, le transport en commun, l’environnement, les projets immobiliers et commerciaux et l’aménagement du territoire dans les médias régionaux du Québec métropolitain.

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