Davie : Nouveau bateau ?

Par | 14 juillet 2005 |

Article de Franois Pouliot. Le Soleil.
Reproduit avec autorisation au moment de la publication.

« Nouveau départ pour la Davie ». Alors que lecteur de nouvelles venait de faire état de notre manchette, lundi matin, un animateur de radio n’a pu la retenir : « Mesdames et messieurs, c’était une tentative de numéro pour le festival Juste pour rire…»

L’anecdote illustre bien tout le scepticisme (pour ne pas dire le cynisme) qui entoure aujourd’hui le chantier Davie. Comme pour donner raison à l’animateur, dès le lendemain, un nouveau développement semblait devoir tuer dans l’oeuf le projet. « Un des acheteurs au passé trouble; Sylvio Goudreault a déjà été condamné pour complicité dans une fraude », disaient les grands titres.

Pourtant, ce serait fait. Ou presque. Malgré le dernier rebondissement, le chantier de Lévis serait vendu. Les dernières formalités devraient s’accomplir d’ici la fin de semaine. Se pourrait-il cette fois que ce ne soit pas juste pour rire ? La Davie peut-elle réellement être relancée ? à l’évidence, Sylvio Goudreault y croit.

En entrevue mardi, il ne cachait pas avoir très mal pris le retour dans l’actualité de son passé. Un document signé en blanc, un manque de vigilance, dit-il, et voilà, il s’est retrouvé avec une absolution inconditionnelle à 120 heures de travaux communautaires. à l’évocation du projet, toutefois, il démontrera de l’enthousiasme.

Ceux qui ont lu le collègue Pierre Pelchat connaissent les grandes lignes de l’histoire. Mais revenons-y brièvement.

– Le groupe d’acheteurs (anonymes pour l’instant) prévoit investir de 15 à 5 millions$ dans la modernisation du chantier naval.
– Des rencontres avec huit sociétés d’armateurs (allemands, norvégiens, grecs,…) représentées par la société Bery Maritime, ont apparemment permis d’obtenir des « lettres d’intention fermes » pour la construction de 36 navires de 7000 et 16500 tonnes. La valeur cumulé des contrats est évalué à 1,3 millard$US.
– Dautres lettres d’intention, pas fermes celles-là. Pourraient faire monter la manne à 3,4 milliards$US.

Comment un chantier qui, pendant tant d’années à vécu tant de misères, peut-il soudainement se transformer en petit Klondike ? Pas tant le chantier que le marché, répond le promoteur.

Bery Maritime, une espèce de grossiste norvégien du fertilisant, qui fournit de la cargaison à 26 sociétés de bateaux, a soudainement vu ses clients se retrouver sans les bateaux qu’ils espéraient. « Les chantiers asiatiques où avaient été placées des commandes les refusent parce qu’ils ne sont plus capables de les remplir », soutient M. Goudreault.

Crédible comme histoire ?
Depuis 2003, quelque chose semble effectivement avoir changé dans le marché de la construction navale. Le volume des commandes pour les très gros transporteurs de produits pétroliers (very large crude carriers VLCC) a plus que doublé, et les prix demandés aussi.

Il ne s’agit certes que de l’un des créneaux de marché du secteur de la construction maritime. Et qui plus est, qui ne semble pas celui visé par le plan d’affaires des nouveaux investisseurs (les superpétroliers sont de 50 000 tonnes et plus, et les lettres d,intention de Davie concernent davantage le transport en conteneurs).

La plupart des analystes s,entendent toutefois pour dire que la demande est également relativement importante dans les autres créneaux. Encore une fois, le même coupable : la Chine. Les Chinois ont besoin de plus en plus de bateaux pour acheminer des exportations qui vont croissantes, et ils ont besoin de bateaux pour importer plus de matières premières (cuivre, zinc,etc.)

Bref, la demande semble effectivement avoir explosé, alors que le nombre de chantiers, lui, ne semble pas avoir bougé. D’où de nouveaux auspices pour la Davie.

Bien entendu, cette autre question : cela peut-il durer ? Oui, du moins pour quelques années, croit la maison Daewwoo Securities. La croissance économique de la Chine devrait ralentir épisodiquement, mais tout de même continuer d’avancer. Surtout, le transport maritime devrait maintenant être stimulé par ce qui pourrait prochainement s’installer à quelques kilomètres des terrains de la Davie : les terminaux méthaniers. Il faudra des bateaux supplémentaires pour transporter le gaz naturel liquéfié (GNL).

La flotte mondiale de transporteurs de GNL compte actuellement 176 navires. Pour répondre aux besoins des futurs terminaux méthaniers, il en faudra 1000, et peut-être même plus, estime Daewoo. De quoi entretenir les chantiers pour les 10 prochaines années.

Certains parleront également de l’âge avancé de la flotte mondiale comme d’un facteur de stimulation additionnelle. Sur ce point, les chiffres apparaissent contradictoires et nous n’avons pas réussi à mettre la main sur un portrait global suffisamment précis.

Oh, certes, il y a des ombres.
– Si les Chinois se mettent à construire des chantiers navals et ajoutent de l’offre, leur main-d’oeuvre n’est pas au même prix que la nôtre (c’est déjà commencé selon ce que l’on comprend).
– Si d’autres relancent leurs vieux chantiers.
– Si la demande pour le pétrole baisse.
– Si l’économie mondiale ralenti ou recule.
– Si le prix du gaz naturel retombe et que les terminaux méthaniers ne se font pas.

Quand même. Il faut reconnaître que le marché n’a sans doute jamais été aussi aguichant.


Reproduit avec autorisation au moment de la publication.

Catégorie(s) : Industriel
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À propos de Pascal Petitclerc

Originaire du quartier Saint-Sauveur dans la basse-ville de Québec, Pascal a depuis longtemps été intéressé par l'urbanisme et l'aménagement du territoire. Il a créé Lévis Urbain en 2003, en s'inspirant de Québec Urbain, pour palier à certaines lacunes de l’époque en ce qui a trait à l’information véhiculé sur l’urbanisme, le transport en commun, l’environnement, les projets immobiliers et commerciaux et l’aménagement du territoire dans les médias régionaux du Québec métropolitain.

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